Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Coeur vagabond
7 mars 2012

Faut-il lire Claustria ?

En 2009, Joseph Fritzl fut condamné par une cour d’assises autrichienne à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir séquestré sa fille pendant vingt-quatre ans dans le sous-sol de la maison familiale, avec trois des sept enfants qu’il lui fit.

Claustria, c’est le rêve inimaginable et monstrueux d’un père qui voulait disposer de sa fille comme d’une chose et fonder avec elle une famille « sans une goutte de sang mêlé ». C’est le roman de la cave, l’histoire de l’enfermement forcé, des violences, de l’inceste et des silences coupables. C’est le jour qui ne se lève plus, l’air qui ne se renouvelle pas, l’espace réduit à quelques mètres carrés, les dents qui pourrissent, les accouchements sans soins, les enfants qui grandissent sous terre, les coupures d’eau et d’électricité arbitraires, la solitude extrême, la folie qui guette, et ce fil ténu à la vie extérieure avec l’arrivée d’un téléviseur.

 

31DXTeVn1tL

 

 

Question : qui peut avoir envie et pourquoi faudrait-il se plonger dans ces ténèbres, si l’on n’éprouve aucune fascination particulière pour le mal et le fait divers ?

 

 

 

 

 

 

 

Pour avoir cédé à cette appréhension et finalement absorbé ce petit supplément d’ombre, je n’ai qu’une réponse à proposer : le talent de l’écrivain. Comme avant lui, l’affaire Jean-Claude Romand avait inspiré à Emmanuel Carrère un de ses plus beaux livres, L’Adversaire, Régis Jauffret a écrit à propos de l’affaire Fritzl un roman d’exception. Sans rien cacher de l’indicible, en imaginant l’inimaginable, il décrit avec sensibilité et retenue le quotidien de « ce petit peuple de la cave », les effrois, mais aussi les petites joies et les espoirs, le temps qui n’a plus de sens et la mémoire sans repères, les sensations bien incarnées et les pensées en échappée folle, une humanité souffrante mais bien vivante.

Mêlant fiction et réalité, à l'appui d'une enquête fouillée, il interroge aussi sur cet aveuglement qui a permis à l’« ogre » de continuer à mener une double vie pendant deux décennies, alors qu’épouse, locataires et voisins vivaient à proximité immédiate de la cave, un aveuglement qu’il attribue plus généralement à une société autrichienne toujours en prise avec les démons de son passé. Troublant.

En conclusion et sans crainte, il faut lire Claustria !

 

A lire également :

L'Adversaire d'Emmanuel Carrère
413M6626WPL

Publicité
Commentaires
Coeur vagabond
  • Coeur vagabond, ce sont des coups de coeur et des coups au coeur. Un blog qui vagabonde et part à l'aveuglette, à la recherche de mots soyeux ou rugueux, d'images noires ou lumineuses, de mélodies qui sonnent et résonnent, sans autre désir que partager...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité